pour que la vie ait lieu


cinq minutes cinq images
tout presse
alors

reprendre le temps

rien ne presse
prendre son temps
poser les choses
prendre recul
découvrir pour comprendre
écouter juste
écouter

arpenter le lieu
laisser se perdre le regard
chercher l’histoire
des hommes et de la terre
la prendre à pleine main
en retenir le tanin

le terrain se dessine
l’idée vient
ériger une tour
plier un toit
dresser un mur
qu’importe la matière
qu’importe la matière
ne comptera que l’être en dedans

nager courir
habiter apprendre
c’est toujours la même histoire
inventer pour s’épanouir
trouver lieu
prendre place
s’y sentir bien

l’idée est « pour que la vie ait lieu »

sans un enfant qui joue plonge nage et rit
une piscine n’est rien
sans un nageur le corps ondulant dans l’eau battant des records
une piscine n’est rien
sans cette famille qui vient d’arriver qui se change se douche et se baigne
cette piscine n’est rien
sans la lumière brillant dans les yeux des enfants et la joie de leurs rires et celle des parents
une piscine n’est rien

sans l’apprentissage et la découverte
une piscine n’est rien
sans la lumière qui frappe la peau éclaire l’eau chauffe l’air
une piscine n’est rien
sans l’espace qualifié le soleil au fil de la journée
une piscine n’est rien
sans nos corps dans l’espace se déplaçant nageant regard au niveau de l’eau
une piscine n’est rien

sans le bonheur d’être là
aucune piscine ne vaut

il faudrait revenir à l’essence des choses
retrouver le bon sens

il faudrait placer les bassins comme on place un fauteuil
vue sur la mer cadrée
il faudrait régler les parcours dans l’évidence et la fluidité
il faudrait revenir à l’évidence

il faudrait surprendre poser questions
il faudrait émouvoir apprendre à voir
redécouvrir l’émotion

redécouvrir l’émotion
l’indicible le frisson

émotion
émotion pour tout le monde
émotion pour chacun

alors et seulement
se mettre à construire
estampes images du temps
féminin

la technique le fonctionnement
retenir l’attention
autrement

je voudrais zoomer sur la matière
m’approcher
la peau l’eau le corps dans l’eau
sur les murs la lumière
de l’architecture l’intimité

architecture de l’émotion

la piscine et l’eau
comme le miroir de l’architecture

il faudrait retrouver la lumière
la lumière naturelle
faire venir l’horizon
ouvrir le regard

il faudrait travailler la matière
creuser l’espace
s’y glisser s’y lover
franchir les ponts

l’évidence du parcours
le fait même du parcours

il faudrait parler des sensations ressenties à l’intérieur
ici
il faudrait dire ce que l’on ressent

il faudrait parler du temps
les temps du projet
les temps du parcours
le temps que la lumière prend
pour éclairer le jour
pour illuminer l’eau

l’eau devenant le bâtiment
le bâtiment comme le courant dans la rivière
au fil de l’eau
au fil du temps
se construisent espace et lumière
l’espace d’un temps

il faudrait parler de vos souvenirs d’architecture
on a tous en soi une architecture présente
on en a tous une vivante
image émotionnelle
image d’enfance
image qui se situe quelque part dans le passé qui nous replace dans le présent

qu’est-ce qu’est pour vous l’architecture
c’est quoi votre premier souvenir d’architecture
est-ce la maison de votre enfance
est-ce le grenier du grand-père
est-ce un jardin ouvert sur un pré une clairière
est-ce la cour en bas de l’immeuble où vous habitiez
est-ce celle de l’école aux marronniers
est-ce la piscine où on avait tenté de vous apprendre à nager

je me souviens de la piscine du bord de mer
bassin découvert transats ensoleillés
je me souviens de celle à l’autre bout du village
les champs alentour verts l’été
je me souviens des grands vestiaires
de la peur d’aller nager

je me souviens de ma main sur le béton de mes pieds dans l’eau
je me souviens de l’éponge sur le dos et du sifflet du maître nageur
je me souviens avoir eu peur de plonger et de m’y être jeté



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 septembre 2014.