le temps _ de toute chose la matière


(chaque jour le texte s’écrit se reprend se répand se déplace à l’infini
texte-mouvement)

le départ déjà
je crois à peine à ces choses qui arrivent sans qu’on les décide dit-elle
je crois à peine au hasard au destin comme au sort
je crois à peine je veux dire je n’y crois pas

la nuit dehors encore
lumières éteintes flammes soufflées
maison au repos corps allongés
au ciel rideau bleu (velours d’or)
une lune sommeille

_écoute
si tu trouves le temps

courage et calme retour là-bas
mise à distance surtout ne te retourne pas
ou juste à la fenêtre penche-toi
et regarde
la ville s’éveille
poussière élevée au rang des trésors

les bruits de la rue restent silencieux à la vue
un cri mille cris
bruits lointains souffrances de certains
souvenirs vains
je vois ton ombre sombrer à l’horizon de ma main
je vois ton ombre yeux clos qui te retient

chute
au bout du monde en est un autre
vaste comme tout
immense et contenu
incapable de dire
comme une lueur un écho
les voyelles du mot

proches on s’éloigne
de loin signe du bras
reviens reviens vers moi

le temps _ de toute chose la matière

dans les eaux profondes de tes yeux
sur la soie pourpre de tes lèvres
au creux de ton corps
quand il pleut quand il neige
le vent se lève en moi

un chant s’étend sillon du cœur
retourner la peau les chairs
ouvrir les paupières cils oscillants
chercher le sang veine d’or
une voix s’élève puissance intérieure

_écoute dit-il

de loin à peine longer les bords
frontières limites à peine visibles
un être flou se meut et meurt
des îles comme des villes perdues en mer
regagner les rives inspirer fort

le temps _ de toute chose la matière

sans cesse dire
sans ne jamais cesser de dire
que le temps
à le voir se faire
nous défaire
plutôt on le perd

_écoute
si tu trouves le temps

le temps le prendre s’y tenir
le retenir s’étendre
courber le fil rider les heures
plier la peau prendre peur
couper les liens retenir son souffle
tendre l’oreille plaie ouverte aux heurts

toujours la fuite dit-elle
je crois à peine à ses mots ses cris ses haines
je crois à peine à sa rage plus intérieure encore
je crois à peine je veux dire je n’y crois pas encore

tu ne sais que ça faire dit-elle
la fuite c’est ça dit-elle
souviens-toi d’elle
plaît-il te revient tu te répètes plaît-il
il est temps (prends ton envol) viens

et elle
elle comme d’autres
disparue envolée coup d’air
coudée franche la peau la peau blanche
elle qui t’avait mis à terre pris de haut
fait prendre l’eau pris tes mots l’or et le fer
elle aux cheveux d’argent

_écoute
si tu trouves le temps

à la surface des feuilles les mains encrent
elles tombent comme avant
sèche tes larmes essuie tes pertes
tes eaux labeurs tranchées ouvertes
tes yeux n’y peuvent plus rien
plus de leurres le sol sous le corps
couché tu meurs comme le sable gagne la plaine
prends les armes ta vie vaine

qui t’a fait taire
quitte à faire
écoute
assis dans le couloir
écoute
entouré par le noir
ne plus jamais (la) voir

qui t’avait eu à l’usure la peine
regarde-toi
aux mensonges
regarde-moi
aux charmes
tu entends
bouquet plus que fleur
qui n’est que la blessure du temps

_écoute
si tu en trouves le temps

son sourire son visage
ses cheveux noués avant d’être courts
sa peau pâle ses paupières
monde séquences
qui veille et sur quoi
sur chaque chose
chaque chose pareille
qui sommeille en moi

étrange
étrange sentiment
comme une absence
sentiment de
un temps d’arrêt
de ne pas avoir
pas avoir parlé
parlé aujourd’hui

silence

mots échangés à distance
nos heures un temps réunies
mots mêlés que nos langues
nouent que des phrases délient
qui sait le sursis
sursaut dans l’instant

silence

sentiment
sentiment étrange
étrange sentiment
de ne pas
pas avoir aujourd’hui vu
vu le jour

_écoute
si tu trouves le temps

le corps
par le vide entouré
prêt à tomber
interminable chute
et ces bras et ces mains
de si loin si loin
retiens-moi prends ma main
prends mes mots à toi je les donne
tiens plus que miens tiens-moi bien

je sais
je sais les jours à rester là
les jours à se taire
je sais
je sais le temps passé
le temps qui terre
je sais
je sais le chemin parcouru
celui restant infiniment à faire

le temps _ de toute chose la matière

une chambre sur le port
fenêtre évasion échappe-toi
six petits carreaux de verre
seulement pour l’entier monde
murs papier bleu mer
lit défait draps de coton
nos rêves dans l’air notre abandon
terre terre à l’horizon

plus tard dans le pays un rêve en tête
routes sentiers chemins suivis
redire le temps parcourir ses méandres
de la main retenir l’oubli dernier sursaut
sentir sur soi venir la pluie
rêves ou réalités
souffle retenu
effeuillent mes mots
un à un perdus

il dit
regarde-toi
il dit
qu’attends-tu
il dit et répète
qu’attends-tu de plus que tu n’as
il dit
mieux vaut fuir sauver sa peau
que mentir dire faux

_nocturnes



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 août 2014.