il y a ce terrain à l’angle de deux rues ou plutôt d’une rue et d’une place que traverse et occupe une autre rue une place comme un croisement et dont seule la périphérie accueille des trottoirs résidus de ladite rue on dirait un débordement une écume rejetée sur la grève d’une plage déserte d’ailleurs c’est une ancienne grève où on mettait à l’eau de petites embarcations capables de remonter le courant d’une rivière aujourd’hui canalisée et recouverte d’enrobé parsemée de flaques d’eau javellisé résurgences disent-ils simples flaques loin de toute réalité
il y a les héberges comme l’enveloppe de ce terrain des pignons aveugles des cours creusées dans un tissus délabré des toitures surmontées de cheminées d’antennes dont on se demande si encore elles servent parfois il y a des fenêtres rideaux tirés ouvertes volets fermés quelqu’un qui se penche certaines même murées des fenêtres comme des regards tous orientés vers ce terrain au creux de la ville petit comme la main sur un corps à le faire frémir une caresse un rêve un projet
il y avait avant une construction qui refermait la place un mur continu et dressé alignement de maisons moyenâgeuses surplombant légèrement d’un encorbellement discret la rivière et son cours et la rue fut percée la brèche ouverte les pignons révélés dans une verticalité à la lumière offerte on avait ouvert la place cassé ses murs gagné à l’est un horizon élevé une colline falaise morte que la terre effondrée adoucissait dans un geste courbe et doux une colline verte
il y avait l’idée de construire ici quelque chose qui résonnerait avec le passé quelque chose dans la continuité mais il y a l’idée d’ouvrir la ville de la gagner d’y retrouver un sol naturel le sable peut-être que le fleuve y a laissé ou bien un pré une forêt de la terre qu’on prendrait dans la main terre noire ocre jaune terre de l’âge de l’enfance de la ville un rêve disais-je
il y a que la terre ne nous appartient pas c’est nous qui lui appartenons