je ne sais pas
je ne sais pas écrire
je sais pas écrire sur la peinture
sur la peinture de (...)

qu’y voir
qu’y entendre
qu’y comprendre
qu’en dire

je ne sais pas
je ne sais pas y écrire

ne vous laissez pas impressionner
questionnez

avec ivresse inlassablement ressassant la même toile l’ultime toile la pénultième toile ou l’antépénultième et qui recommence et recommence et qui échoue à recommencer et ainsi à force d’échec ne cesse de refaire la dernière toile comme la première ou la première comme la dernière

torpeur
la torpeur
inaction de l’âme

mouchette mouchette
mouchette

la peinture moderne c’est
l’art de peindre

pas inventer des formes
non
capter des forces
(dit-il)

peindre
c’est affaire de quantité
ce à quoi il veut arriver
c’est au dernier tableau
qui ne cesse d’arrêter
de peindre
le premier tableau répète le dernier
le dernier répétant le premier
c’est le dernier tableau
qui permet de recommencer
non le dernier
celui qui dit et ne cesse de dire
peindre comme
compenser
la puissance de la vie

parce que l’été dernier on brûlait de peindre
depuis longtemps
quelque chose dont la peinture
comme on la conçoit
ne tire pas forcément profit
on aime l’exercice pour l’exercice
domaine de l’indicible
l’herbe un arbre sont partout herbe et arbre
et la peinture qui supprime le passé
et quand on peint c’est au présent
on n’a aucune raison de revenir en arrière
les peintures doivent être des surprises
on se borne à l’indispensable
on brûlait l’été dernier de peindre
depuis longtemps
mais le temps manquait pour préparer quelque chose qui sortît
de la main de la toile
héros dans le civil
suicidé
disparu noyé
en même temps on se défit
défit de l’atroce
évanouissement de l’espoir
n’amène pas forcément désespoir
on a échappé aux mots
suicidé
disparu noyé
ce qui ressortira de la peinture
plutôt que la solitude
c’est probablement l’incommunicabilité
la langue à part de la peinture est propre
on veut s’en convaincre
faire ressortir l’indicible
on a l’impression que de faire des essais des tentatives
tout va si vite
on trouve qu’on a raison
on cherche à le dire
et les autres qui ne pensent pas comme
ont tort
pas mesquin mais grandiose
cyclone au lieu de vouloir
à tout prix chercher la ressemblance
accepter la dissemblance
on travaille d’abord et réfléchit après
s’obligeant à inventer sur place
instantanément
contre le système qui consiste
à préparer les choses à l’avance
par des croquis à faire un plan précis
de ce qui doit être peint
on attend l’inattendu on cherche la surprise
accident
on cueille le rare
ce qui se produit au moment même
et ne se reproduira plus
on se demande si
ces peintures méritent les efforts
qu’elles coûtent

qu’entends-tu de moi
que je n’entends pas
ami réponds moi
qu’entends-tu de moi
qu’aurais-je oublié
que vois-tu de moi
que je ne vois pas
ami réponds moi
que sais-tu de moi
que je ne sais pas

tout est affaire de chair affaire de don
on ne prive pas de fer forgeron
si on finit tous un jour une nuit
comme un kennedy

pourquoi t’en faire dieu est mort
y a plus de souffleur dans ce décor