machine


machine à café à écrire volante roulante à voyager à vendre à louer à tondre à laver à sécher machine infernale et puissante
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steaks congelés par centaines petits pains sur palettes plastique boissons en sirop conserves vinaigrées sauces sucrées et salades en sachets un camion plein à décharger on était équipier autant dire rien et à cinq heures du matin le camion on le vidait manches courtes polo à logo pentalon de toile enfilés un peu plus tôt dans les vestiaires des sous-sol fast-food havrais avant de pointer machine orange et carrée un bras sur le côté et l’horloge à nous surveiller à deux pas du bureau du manager
(une identique trouvée hier chez un brocanteur)

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un bruit de numérotation comme dans ces vieux combinés que l’on rapprochait du visage micro sur la bouche écouteur contre l’oreille puis attendre entendre sonneries lointaines devenant un long sifflement et l’ouverture à l’écran d’une nouvelle fenêtre internet naissant et ainsi de chaque connection que rapidement on coupait tant cela coûtait

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elles étaient de fer géantes érigées au-dessus des villes dévorantes elles étaient tombées dans la nuit cratères éclosions elles étaient partout sur les routes dans les campagnes incendiant les fermes et villages détruisant tout sur leur passage elles étaient incontrôlables et puissantes elles étaient à notre image démentes

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à l’entreprise dans l’atelier une plieuse pour le zinc sorte de grand établi de bois brut de la taille d’une porte couchée recouvert d’une feuille de zinc régulièrement remplacée que l’on clouait sur sa périphérie avec en bout de table sur les côtés des pivots maintenant des bras d’acier reliés entre eux par une longue lame épaisse de la longueur de l’établi tout entier et à chaque extrémité de ces bras comme coudé un manche prolongé d’une poignée qui lorsqu’on s’en emparait puis l’abaissait pliait mâchoire puissante et lisse la feuille de zinc posée et qui en appuyant moins fort et en tirant à soi l’alliage léger façonnait une courbe gouttière havraise ou volute parfois ratée qu’on plaçait en-dessous du plateau rebuts chutes mauvais pliages pouvant être réutilisés
jamais pour la plieuse on aurait dit machine

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je me souviens de celle rangée dans le placard de la cave à l’abri d’une valise de cuir noir peau déchirée sur le dessus un pan coupé reprenant la forme du clavier j’en soulevais le couvercle fermeture déverrouillée et le posais à côté elle sentait la poussière et l’encre séchée qui s’étaient accumulées autour de l’envers des lettres lettres miroirs lettres de fer les touches sous mes doigts résistaient hésitant à écrire mes caractères je persistais dérouillais le mécanisme huilais les bras m’assouplissais les doigts glissais une feuille vierge et dans un flot ininterrompu me mettais à écrire



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 décembre 2013.