guirlande


choix de petites pièces de poésie _émile littré

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au café du coin toujours assis au comptoir
qui chaque matin lit dans le journal celles des autres
cet homme et ce qu’il raconte de son histoire
avant de revenir à la sienne il dit
mienne
le froid dehors le chaud en-dedans et
sur les vitres sa parole humide comme
la rosée
perles de mots du temps lestées
je bois un café

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un simple mot de travers te voilà en colère
une fleur et tu pleures
quand je ris tu suis
allez essuie tes larmes je baisse les arms

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une lampe sur pied éclaire de la pièce l’angle
plongeant de fait les alentours dans une obscurité plus grande
il y a du bois au sol et de la toile au mur
qui du froid isole comme la sciure
de la cuisine vient un bruit de vaisselle
on dirait un bruissement d’ailes

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perdre le fil comme le tendre ou bien est-ce la corde
un coup résonne
prendre son temps comme le perdre ou bien est-ce vivre
deux coups en somme
taire n’est que dire du silence le cri
et l’orage tonne

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tu voudrais faire mais ne sais que dire
viens
tu voudrais dire mais ne sais que taire
viens
tu voudrais taire mais ne sais que fuir
viens
(cette fuite sans cesse qui revient)
viens
tu voudrais fuir mais ne sais qu’écrire
viens
tu voudrais écrire mais ne sais que mentir
viens
tu voudrais mentir
et y parviens

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je l’avais posée là
déposée juste
elle brillait mille rubans
fines lames mots étroits
miroirs de soi
qui disparut
je n’ai pas compris comment
évanouissement
nuée
évaporation hallucinée
guirlande enfuie
guirlande perdue
je te ré-écris
et te colle à la table de verre comme ce sapin lui aussi de honte à son pied d’avoir perdu racines et terre
comme je le comprends

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boulangerie
#fermé
boucherie
#fermé
charcuterie
#fermé
épicerie
#fermé
imprimerie
#fermé
librairie
#fermé
papéterie
#fermé
cordonnerie
#fermé
mercerie
#fermé
graineterie
#fermé
minoterie
#fermé
et des stations service
par centaines
#fermé

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c’était bien les fêtes
trois guirlandes éclairées
il y avait le marché de noël
il y avait les gens les bras chargés
on s’est bien amusés
on a bu et mangé
on s’est engueulés de toute façon on n’y a jamais cru
et puis les souvenirs c’est tous les jours qu’on les porte alors taire taire
nous on a rien offert
t’as vu ailleurs
c’est la misère
dans la cour en bas y-a un type qui dort sous un sac
dans un garage que personne ne ferme
avant il était dans la rue
sur les quais d’autres s’installent
perdus
allez viens on y va
c’est pas une paye qui va nous sauver
c’est une guerre qu’il faut lever
on peut pas les laisser crever (merci r.armstrong_souvenir)

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qui sait
qui est-ce
qui va là

qui vois là
qui es-tu
qui tuer

qui peux-tu
qui pleures-tu
qui leurrer

(juste jouer)

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dans le bar un homme au comptoir un autre debout derrière qui sert dans les verres des liquides mousseux blanchâtres et rouge-sang
dans la ville un port en terre comblé depuis longtemps un champs de mars désert d’hiver que bordent quelques arbres fragiles mourants

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les unes derrière les autres petites rondes colorées des perles sur un collier la route se dessine par les autos qui la suivent s’y croisent et s’en échappent stations service de côté relais supermarchés

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astronomique
métaphysique
platonique
architectonique
harmonique
polémique
touristique
poétique
oblique
véridique
critique
photographique
mathématique
prophétique
hypnotique
sismique
étatique
énigmatique (christine zottele)

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qui
de haut tombe
qui
de tout son corps pleure larmes
qui
la main tend
qui
pied perd
qui
œuvre
qui
luit
qui
jette à terre

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au bord de la route les champs
dans les champs un engin tout en lumières
l’engin se déplace lentement
et sur l’engin un homme habillé de vert
dans le froid de l’hiver
la terre se soulève
se retourne retombe lentement
comme l’engin avance et l’homme dedans
qui se tait et pense
à ce qu’il aurait fait si
n’était pas dans le champs

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dehors la brume nappe la terre disparition effacement givre plus que blanc
au loin un terril dessinant une colline raconte la mine le labeur le temps

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qui
ouvre la fenêtre
qui
se penche un peu
qui
crie son absence à
qui
jamais ne l’oublia



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 décembre 2013.