les hommes à terre


trois jours à parcourir paris la tête à terre pour voir ceux qui y dorment tentes matelas couvertures comme si le luxe n’était pas la bagnole étoilée le brillant au doigt le restaurant du michelin ou l’hôtel sur le toit trois jours à voir à chaque coin de rue immeubles nettoyés il y a peu un homme assis recroquevillé sur lui-même une femme buvant à la bouteille ce qui restera un temps chaud en elle des enfants allongés et endormis on les dirait dans une chambre un ciel d’étoiles au-dessus de leur tête une veilleuse qui guette trois jours à arpenter les rues de la ville capitale où tout ce qui se partage meurt et se vend resplendit trois jours à regarder ce qu’on tait terre enfouit

je n’aime pas les musées ni beaubourg qui en est le contraire je n’aime pas les expositions d’œuvres remarquables dont une seule suffirait à remplir ma vie et que l’on parcourt comme un supermarché le regard rivé sur des produits à hauteur d’yeux placés qu’on veut absolument nous voir acheter je n’aime pas les foules quand je voudrais être seul je n’aime pas les foules quand je sais l’exposition faite pour elles je n’aime pas les foules placées devant les œuvres qui plutôt que de chercher ce qui en elles interpelle parle émeut interroge préfèrent regarder les vidéos sur de petits ou grands écrans je n’aime pas payer pour ce qui devrait être gratuit l’art la musique l’écrit mais voudrais qu’on paye le vrai prix pour la publicité répandue le commerce inutile la nourriture qui rend obèse

habitant paris je visitais toujours les musées au matin où à la tombée de la nuit quand le calme était et l’espace aussi habitant paris je choisissais une œuvre à voir m’en souvenais y revenais des heures à la lire la reprendre dans de petits carnets écrire et devant les autres passais comme sur une route voiture lancée qu’un seul point de vue viendra arrêter habitant paris les gens m’énervaient devant les toiles debout faisant ombre toujours les premiers assis arrivés à partir générique en cours à critiquer à n’en pas finir habitant paris la ville était mon décor mon sujet dans mes mains de l’or

huygues et pasolini magnifiques mais quel intérêt d’en faire exceptions et expositions quel intérêt de les enfermer dans de si petites pièces si chères à gérer

construisons de nouveaux lieux libres et ouverts

détruisons ce qui est institution commerce et richesse

le système est bien fait qui fait payer tout à ceux qui ont l’argent qu’importe ce qu’on en comprend

aux étrangers les frontières aux sans logements les tentes
les gens cultivés ont les musées pour lire des manuscrits voir quelques photos rares et payer le prix 10 € l’entrée vas-y

et puis de la neige de huygues comme des vers de pasolini collectivement on se fiche
il y a plus important plus essentiel plus urgent

il y a la ville en ruines
et les hommes à terre
la mort en dedans



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 novembre 2013.