je suis curieux ces mots distants qui ne disent rien _ pourquoi ?
rien à personne rien face à ce qu’on met dedans distants de soi même et des autres distants comme nécessaires pour ne pas être en dedans
dois-je comprendre quelque chose comme creuser un écart, "ne pas être dedans" : écrire pour ne pas coller à, plus que pour communiquer ?
écrire pour se découvrir être écrire pour effleurer celui qui écrire sans finir se laissant de côté écrire pour taire ne plus jamais crier
ce serait comme fuir de ces phrases sans majuscule ni point toujours fuir laissant ouvert l’horizon des mots cet horizon plus que lointain
ce serait comme se mettre à distance se préserver chercher en soi communiquer certainement pas juste partager peut-être et seulement parfois
oui je comprends. écrire partage : non pas un qui lit un qui écrit, mais deux (ou plus) qui regardent ailleurs ensemble...
écrire à se taire comme se soûler de_soi écrire pour passer de l’autre côté de_soi écrire et dire ce qu’on ne sait pas de_soi
lire écrire : expérience qui ouvre défait déballe désembobine creuse déstabilise... parfois oui ouvre sur un lien, une rencontre
quelques bribes d’on-ne-sait-trop-quoi qui s’effilochent en se nouant... et ça parle et nous fabrique un peu... et tout est à recommencer.
soi écrire : sans doute retourner sa propre peau et constater le vide dont nos os sont l’écho. soi écrire oui : briser ce masque qui ne cache.
écrire pour dire se dire et écrire pour découvrir ce qui au fond de soi est aussi à un autre qu’à soi sans le savoir juste le deviner
rien, cette aurore qui s’essore sur rien, écrire pour cela, ce jour vide en nous qui regarde dans nos yeux et s’étonne des espaces devant.
ce masque qui ne cache pour l’autre que soi tant à écrire mieux on se voit
écrire oui ce vide qui nous lie tous à chacun, c’est le fonds commun, la terreur, le trésor, écrire vers cet élan, ce passage, cet expir.
oui s’ouvrir espace immense se découvrir autant ne pas en revenir y rester même survivant _les mots distants de tant de soi qu’on perd pied
mais comment ne pas finir quand la voie est tracée alors partir laisser de côté oublier pour finir et recommencer _je voudrais ne jamais
savoir comment faire me perdre à chercher avançant sans douter et prêt à parler me taire me terrer enfoui dans les mots silence gardé
se voit sans netteté sans contour sans rien que l’ordre d’un nom barbelé, doux, ruisselant
ces mots distants qui ne disent rien
la trace oui comment la perdre à chaque fois, renouveler la désorientation propice au visage à nouveau, à sa parole en morceaux, ce vent
ces mots qui désignent l’ouverture de rien
ces mots qui nous perdent plus que moins
ces mots nos pores en orbites
mots perdus
qui gravitent
silence du mot
qui clôture
si lent le mal à clore
à l’orée muselle à vif le seuil béant
et la voix et les heurts de monter à sang
je n’ai rien abandonné qui ne soit pas béant feuilles mots néant simple échancrure simple cri simple pliure simplement dit
on fatigue on prétend on exige on dément on répète on insiste on perd on persiste regarde comment ils font ils disparaissent profond
mais rien ne le dit que nos mains ici
nos yeux creusent l’oubli tremblé sous la voix du fond
on édifie l’orbite poudreuse le relais que fuit l’orage chaque veine oui nos mains ici dé-ploient sous le tranchant de l’invite : le sang feu
on joue on gît parmi
et puis jamais l’ombre dans l’embrasure ne cède
on écoute se lasser l’incessant en soi paupières neige aveugle joie - il y a - dure et puis l’incise barbelée défait le vif on insiste
on s’étend on patiente on pause on reprend
on revient déjà de tant
lentement
c’est la lumière qui change les heures et seulement _le corps plie le cou tombe la main tire à terre la pierre et le lit
tu vois je disais laisse filer les mots distants ceux qui s’échappent et te fuient ceux qui perlent chaque instant de ta bouche néant
laisse filer
et entends
comme on mord l’errance ensevelie dans les hauts du vent
respire l’ascension_creuser la poudre motrice et ta voix si lasse après l’air déchiré_ laisse l’inconsolé filer la trame
tu vois c’est simple
ta main pense pour toi
chevillé sous l’aura des patiences attends ce laps débordé
vois l’astre et le lait dans l’asthme de ton pas
mon ami ne me feule au néant voisé mon ami joue blanc qu’on respire
ce n’est pas tant un trou où tomber qu’un fossé le pas chancelant la tête trop haut levée se perdant_
ce n’est pas vaciller mais s’écrouler lourdement tomber de son long ailes déployées ventre rond et rouler infiniment_
ce n’est pas se voiler vraiment_
c’est perdre pied perdre tant faillir s’effacer effleurant le temps oublier l’idée finir le chant pousser l’air laisser fuir tu comprends
c’est reprendre souffle seulement
je comprends c’est perdre oui qu’ondulent les paupières à même l’incertitude
c’est mon ami pleurer l’herbe ravagée d’innocence
ce n’est pas nouer nos veines autour de l’eau non c’est respirer la crue du sang-joie vers l’irrémédiable
je voudrais me noyer dans le blanc perdre haleine me jeter à l’eau étirer le temps
je voudrais peindre la ville de gris prendre le sang des hommes tirer la toile étendre les bras au vent
je voudrais lancer des pierres des fenêtres creuser la terre de cratères plier le sol ouvrir d’autres champs
je voudrais les faire disparaître un à un eux et tout ce qu’ils portent à chaque main
je voudrais effacer leur visage tendre au lisse au blanc jeter à terre ce qui les dresse tant
je voudrais un temps encore rêver un monde autrement
ces mots distants qui ne disent rien
(échange "twitter" in progress entre julien boutonnier et moi-même_ publié avec son accord_ 2013)
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1ère mise en ligne et dernière modification le 22 juin 2013.