on avait pris l’avion pour venir là après avoir pris le rer et aussi le train on avait pris plaisir à se rencontrer de nouveau se serrer la main se parler sans se connaître sans se dévisager on avait pris le temps d’ouvrir entre nous un monde commun on savait qu’il existait juste le temps de l’énoncer on avait pris patience en attendant debout dans la file d’attente l’embarquement échangeant à propos de rien à propos de tout construisant ce troisième être qui serait nous
on avait eu en commun la voiture pour parcourir les routes tendre des mains entamer des dialogues présenter nos desseins et aussi nos échecs des kilomètres pour rien on avait dormi dans des hôtels défraîchis des hôtels chaînes aux coursives et toits débordants et au restaurant fermé depuis longtemps quand la voiture se garait devant on avait aimé ces trajets ces heures à penser ces notes prises ces disques mis fort à jouer
on avait chacun à notre manière vécu des heures claires en haut des montagnes respiré l’air des vallées embrumées on avait écouté le cheval laissé passer la vague on avait tout en nous gardé comme notre plus grand secret on avait rien de commun avec les autres on avait dans le creux de nos mains quelque chose de l’autre
barcelone_février 2013
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1ère mise en ligne et dernière modification le 18 février 2013.