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la principal / café bar / barcelone

place goya le café fait l’angle de deux rues ses baies de bois repliées sur elle-mêmes un store vert prolongeant au-dehors l’ombre intérieure il se donne à la ville et accueille j’y entre et m’assois commandant un café
deux hommes près de moi parlent qui se font face ils ont l’âge de la retraite l’âge d’avoir connu les traîtres mais personne de penser à ça
une femme debout dans le bar attire mon regard elle est jeune grande blonde et bronzée et a sur le visage une marque brune comme brûlée qui la défigure à jamais
derrière le comptoir le type s’active moussant le lait serrant les cafés quelques olives sur des coupelles que la serveuse portera en terrasse et de reprendre le lavage des tasses et des verres pour les cafés con latte
il y a deux machines à sous la mina de oro et la bodeguilla près de l’escalier menant à la mezzanine vide à cette heure vers lesquelles un type entrant va et de glisser une pièce dans la première les rouleaux tournent il perd qui finit par commander sans se retourner un café avant de s’installer au comptoir
en terrasse les gens parlent en regardant la ville et son incessant mouvement semblant être spectateurs d’un monde dont ils se sont écartés un instant mais perçus par lui comme d’un simple décor les figurants car le thème de la ville est et restera le mouvement
le type aux machines à sous y est retourné commençant par la seconde réessayant la première allant faire de la monnaie à une autre plus petite et grise couverte d’autocollants et rejoue à nouveau perdant
à la même hauteur que le comptoir une boiserie vernie ceinture la pièce servant de soubassements aux murs rouges et blancs que souligne un plafond laqué sang on a augmenté le volume de la musique le barman se met à bouger il est onze heures du matin je vais encore rester
la fille blonde sac sur l’épaule traverse la salle et sort je la prends en photo de dos alors qu’elle s’engage dans la rue pour traverser
le type des jeux est parti je ne l’ai pas vu
les vieux parlent encore et d’autres se sont assis comme cet homme devant moi feuilletant son téléphone comme avant le journal
en terrasse les couples changent les tables sont nettoyées prêtes pour d’autres qui arrivent et les conversations reprennent tant on a se dire tant on a besoin de parler
il faudrait dire la verticalité de l’espace le sol poli le comptoir en marbre et zinc les chaises thonet il faudrait dire le bruit dehors des bus des camions et les sirènes qui lacèrent la ville il faudrait y superposer les voix cette langue catalane et toutes ces idées d’indépendance qu’on affiche fièrement aux balcons il faudrait dire le bruit du percolateur des soucoupes qui s’entassent des clés à la ceinture de la serveuse qui tintent et de l’aluminium que l’on décapsule et que l’on repose vide sur la table sonnant creux bruit mat il faudrait parler du son des cuillères entrechoquées que l’on range dans un pot d’acier le vrombissement du lait qui monte en mousse dans celui d’inox et les bruits dans l’arrière cuisine vaisselles et conserves
il n’y a guère que le torchon passé sur le comptoir et les tables qui se tait

barcelone_juillet 2013



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 1er août 2013.