état des lieux


on avait gardé quelques privilèges ne le savait pas qui le découvrait au détour de longues marches urbaines au hasard des rues qui appellent des places qui s’ouvrent des cours secrètes quelque chose comme du passé une grandeur désuète un luxe grossier et là devant nous à un coin de rue à deux pas des invalides derrière des façades imposantes et blanches de béton enduit aux hautes baies disproportionnées comme parfois les yeux se donnent à voir sur des visages trop fins pour eux on avait découvert figé dans un passé oublié masqués presque tant l’abandon des choses de la ville on s’y était habitué une piscine d’abord lovée au cœur de l’îlot ceinte de bureaux vides sols de lino plafonds de fibres et cloisons démontables de verre pâle puis à l’étage des salons aux moquettes à motifs un comptoir de bar abandonné réserves vidées quelques canapés défoncés çà et là des tables basses une lampe sur pied qu’un air humide une pourriture lente à progresser venant couvrir puis ronger les boiseries rouges des murs rendaient impossible à encore utiliser mais on voyait hublot blanchit buée nuée la piscine où quelqu’un nageait
plus haut il y avait des cours de tennis au sol vert comme l’herbe d’un pré peinture intacte volume immense balles éparses jaunes comme des fleurs au printemps qu’il nous semblait entendre rebondir et claquer
et plus haut encore un gymnase désert des filets devant les fenêtres un toit verrière partiellement ouvert et cette étrange sensation de ne pas être seuls quelqu’un peut-être dans les vestiaires derrière les bâches dans un bureau
on fit un rapide état des lieux structure espaces murs baies équipements listant ce qui était récupérable seulement et transmit les données au service de l’état qui s’occupait des résurgences avec ordre d’abattre le plus immédiatement ce vestige du temps où le sport était considéré comme indispensable à chacun à tous
on s’éloignait juste de l’entrée sifflement puis explosion le bâtiment s’écroulait amas de poussière fine comme le sable on s’en souvenait et déjà quelques arbres surgissaient un pin un chêne une forêt en naîtrait



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 juin 2016.