on dort dehors


ici ailleurs partout dehors on dort
on dort dehors

on ne sait plus quel monde rêver tant celui là a sombré tant on s’y perd dépendants aliénés au piège pris pieds et poings liés

je l’entends encore dire jamais aussi libres on fut mais dans quel monde vis-tu tu permets que je tutoie chère élue de nos contrées petite sœur de jaurès enfin de la démagogie princière sans autre pouvoir que celui de nous mener à notre perte oui je te tutoie mais ne me rapproche pas quand tout nous éloigne distance prise je coupe à travers champs traverse la ville tu ne me vois pas m’as perdu de vue œillères œillères tu en as perdu la vue

on dort dehors entre les poubelles sous les porches dans les cabines téléphoniques sous les ponts dans des tantes entre les voitures on dort où on peut
si seulement on dormait sur les toits
on dort dehors installant des cartons sur un banc public pour faire abri comme on s’installe sur un matelas dont d’autres ne voulaient plus on dort à poings fermés tant l’alcool efface le noir le vide le trou dans le corps la douleur venue à soi
on dort dehors de plus en plus à chaque coin de rue à paris et ailleurs on dort dans la rue

je me souviens du logement social des barres alignées comme des pièces inventoriées
je me souviens des peintures fraiches des cages d’escalier
je me souviens

je me souviens des chemins tracés d’un trait d’encre sur des paysages effacés
je me souviens des rêves oubliés sur des calques déroulés
je me souviens

je me souviens des centres villes éclairés enseignes et lampadaires
je me souviens de la rue gamin parcourue émerveillé
je me souviens

je ne vois plus rien d’autre

on dort dehors aujourd’hui ici ailleurs



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 juin 2016.