le vide


elle n’a rien dit depuis longtemps ne sait que taire son silence comme un chant qui bourdonne au loin un bruit sourd un chemin elle n’a rien dit et pourtant je l’entends

faudrait fouiller en soi chercher profond trouver la soie le bon quitte à laisser de côté ce en quoi on croit et cela même le jeter tout refaire tout reprendre d’une nouvelle voix
ces mots qu’elle prononçait assise près de moi et ceux qu’elle disait téléphone à la main depuis une cabine de verre de l’autre côté du rideau de fer ces mots dans cette ville prononcés tout bas qu’on rejoignait par une route bordée d’acier tissé de pins voilés je m’en souviens
je me souviens du voyage en car parti de paris-bagnolet la route interminable et par la fenêtre juste de voir une étendue déserte ravagée pourtant le mur était tombé la ville à se refaire mais le boyau étiré intact et des évolutions récentes n’avait eu que faire
là-bas la ville érigée nos corps dans le froid nos corps dans la rue parallèles à marcher tournant ici bifurquant là dédale infini la ville étalée espacée je me souviens des façades sonnant creux la pierre ou le béton d’un manteau laineux habillés et les enduits grattés colorés je me souviens des rues larges où un vent gelé et invisible glaçait nos mains comme un rêve se fige
je me souviens du vide ville presque déserte mais je ne me souviens pas y avoir croisé personne juste ce bruit ce grondement un souffle peut-être le sien sûrement



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 décembre 2015.