quitter une ville


quitter une ville comme on quitte celui qu’on aime parfois il le faut alors se retrouver étranger en tout lieu et tout point et qu’importe on refait son chemin ouvre de nouvelles portes s’habitue aux lumières aux voix aux corps comme par obligation par devoir attentif et curieux mais avec la lumière l’ombre vient le bruit le froid et l’indifférence alors on se terre plutôt que de parler encore on sombre vite qui ne veut se fondre disparaître dans l’effervescence aussi inutile que trompeuse de ce qui entoure et broie

on a mis des couloirs dans les rues pour y faire passer les bus qui comme un rien vous rouleraient maintenant dessus et on a mis des pistes sur les trottoirs pour les cycles qui vous prennent pour cible sans vous voir enfin faisant mine un piéton ça se pousse s’écarte comme devant les voitures et on a mis des places pmr et puis d’autres pour les livraisons avant d’en réserver encore pour les convoyeurs de fonds qu’on attaque à coups de révolver et d’autres pour les vélos en libre-service payant et les voitures électriques et des poubelles enfoncées dans la terre pour le verre le papier le plastique qu’environnent tant d’autres déchets on a bien fait on a à tout pensé et la mendicité on l’a interdite de toutes façons allongés à même le sol ou sur des cartons repliés assis ou debout on ne les voient plus tant ils sont les exclus de la société marchande celle qui roule pédale consomme achète et voyage aux quatre coins de son petit monde

quitter une ville en vivre une autre c’est les comprendre toutes c’est voir où on nous mène nous porte les yeux fermés poings dans les poches résignés



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 décembre 2015.