marseille_6


la fenêtre de ma chambre baigne la table de lumière que de passagers nuages voilent de temps en temps le soleil chauffe ma joue je tourne la tête la ville droit devant horizon dentelé aux immeubles érigés aux collines ponctuées aux îles en mer jetées
de la ville je ne perçois aucun des bruits juste et à peine le mouvement en bas de l’hôtel mais il y a cette chaleur que la lumière porte et retire incessamment au gré des nuages passant comme vie
il y a quelque chose ici d’hospitalier quelque chose de quarantaine un isolement un retrait quelque chose à retrouver la santé le sommeil le calme simplement
le lit n’est pas médicalisé et aucun bandeau technique ne le surplombe ni commande d’appels juste celle de la télévision posée sur une tablette que jamais je n’allumerai écran ensommeillé resté à l’heure d’été
la porte ne laisserait passer ni fauteuil ni lit sur roulettes pourtant je me crois hospitalisé
peut-être est-ce la faute à cette salle d’eau minimale aux produits de toilette au mur désormais fixés peut-être la faute aux murs eux-mêmes blancs lisses sans images sans rien de personnel peut-être la faute à ce bureau solidaire du lit et des murs impossible à déplacer qu’un motif de faux bois blond tente d’égayer peut-être ma bouteille d’eau vittel mes trois livres posés le téléphone beige avec les consignes d’appel scotchées
bien sûr elle est trop petite cette chambre et personne à la réception ne m’a demandé cartes vital et de mutuelle et personne non plus qui ne passe pour voir si je vais bien personne juste isolé
je me suis risqué à quelques pas dans les couloirs mais tous les portes sont fermées les chambres silencieuses aucun téléviseur allumé ni personne en visite ou en blouse blanche comme on le remarque vite dans les vrais hôpitaux alors je suis rentré dans ma chambre et tout a recommencé
je me souviens d’un film tourné au havre quelqu’un était hospitalisé mais comme souvent dans les films les lieux mélangés et alors qu’il entrait à l’hôpital central vieille bâtisse ceinturant une cour où l’hélicoptère en pleine ville se pose dans un bruit assourdissant c’était depuis l’un des bureaux vidé et réaménagé de la tour de l’hôtel de ville qu’il regardait au loin l’horizon le port la mer et la côte dans le vent
dans le placard sans porte je n’ai trouvé aucun vêtement blanc marqué d’un nom imprimé d’hôpital ni rien sur les serviettes de toilette blanches et rêches finalement tout ça est dans ma tête
je suis hospitalisé depuis vendredi à ma propre demande pour incompatibilité avec ma vie je me suis mis à l’écart au bord du monde près de la mer et en hauteur prêt à plonger à fuir à me dissoudre à m’évaporer ici dans la lumière éblouissante



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 1er février 2015.