le tiers livre de françois bon
colloque "françois bon à l’œuvre / montpellier / université paul valéry / 29 & 30 novembre 2013"
contribution
croisements _c’est de l’autre soi
précisions / prétexte / propos / parenthèse / projection
précisions
je tiens un blog et un café une agence d’architecture et à mes étudiants
je dois parler architecture
à la question qu’est-ce que l’architecture ? que pose les étudiants je réponds
du temps
un temps entre les choses
juste un temps
dans un paysage une architecture donne un temps
c’est la durée des choses mesurée mesurable marquée par un mouvement
le temps
chaque chose construite qui donne à la ville une durée mesurée marquée par le mouvement est architecture
dans un paysage un mur dessinant le relief / une forêt dont on voit la lisière / une usine entre plaine et mer / une ville bastide contenue et certaine sont architecture
sont le temps-même par le mouvement
j’aime l’idée que l’acropole d’athènes est architecture non par sa pierre ses enchevêtrements
non par son histoire ses fonctions passées sa gloire
mais seulement par la disposition savante des édifices et du rapport qu’ils entretiennent entre eux puis avec le paysage
j’aime l’idée qu’une cathédrale est moins architecture en son dedans que dans sa verticalité violente dans une ville dont elle désignait le centre le marquant d’une flèche ou de deux
c’est le temps entre les choses
le temps de faire du regard ou aux pas la distance qui les sépare qui fabrique l’architecture
avec les étudiants en architecture nous lisons la ville est ce cri de françois bon
la ville est ce cri
le sens même de ces deux noms ville / cri suffit à parler du temps
une distance qui se serait glissée entre l’entité urbaine / la ville politesse / la ville commerce / la ville habitation
et cette voix poussée à son extrême par l’homme
non plus la parole mais de la douleur l’expression
les mots et combinaisons de mots les phrases qui composent ce texte sont partagés dans le temps de la page l’une en haut l’autre en bas qui nous partagent
mettant notre regard en mouvement comme deux voix presque simultanément parleraient
les sens se croisent
les mots résonnent
la voix prend
le temps se donne
la ville est ce cri
comme la démonstration juste par la forme de ce que le temps produit
cette chose mesurable mesurée cette distance appréciée par le mouvement
à plusieurs voix le texte se construit comme entre paysage et ville / forêt et silos / un temps s’installe
l’architecture se lit
quand j’écris je parle
quand je lis j’arpente
c’est le texte lui-même l’architecture
***
ouvrir une page une brèche ne pas tomber juste se pencher
le tiers livre de françois bon
son architecture
est moins dans les agencements complexes et infinis des liens qu’il tisse au travers de mots clés de récurrences de familles
que par l’espace qui entre les choses naît
écouter voir
les textes de françois bon sont matières
mes clichés mon histoire
je ne sais pas vivre dans le silence
c’est de l’autre
soi
prétexte
interrogé sur ce qu’est une bonne photographie, bernard plossu répond une photo sur-réelle dotée d’une force mystérieuse et étrange, une photo qui vous dépasse. une photo qui est dans la non-description, le non-compréhensible, le non-explicable
cette citation est tirée du catalogue de l’exposition « Couleurs Plossu Séquences photographiques, 1956-2013 » qui eu lieu à montpellier durant l’été 2013 au pavillon populaire
exposition qui présentait environ 250 photographies faites selon différents procédés techniques et avec différents appareils
mais 250 photographies présentant le même regard
aux différentes méthodes de prise de vue répond une unique façon de voir
chaque prise montre un objet / un motif / une scène / un paysage
chaque cadrage révèle le sujet en effaçant ce qui est autour ce qui est hors cadre
temps / lieu
c’est une collection de micro-souvenirs micro-scènes où le photographe se donne à voir
de la construction de soi
la matière-même qui le fait être
matière-même du soi
hors contexte
ne pas juste donner à voir
mieux
re-présenter
exprimer par le discours
soi
_liés à aucun contexte aucune situation aucun lieu précis
_liés au fortuit
_loin de la réalité
_matière brute
_les choses de peu
_faire advenir l’autre / soi
_limite
_extrait / emprunt / empreinte
_charme du quotidien
_poésie de l’ordinaire
_fait divers / fait divers
_fascination pour le rien le simple
_la vie arrêtée
_abstraction de tout
_autobiographie des objets
_matière de soi
***
l’idée serait que c’est toujours un autre univers qui nous ramène au nôtre
toujours l’univers d’un autre qui nous ramène à soi
propos
au-delà des familles ramifications mots clés et chapitres le tiers livre est une étagère numérique où chaque chose écrite par françois bon prend places
places au pluriel
ici comme là / ici et là
l’idée serait aussi que rien n’est jamais exactement qu’à une seule place à la fois
tout s’entrecroise se nourrit s’augmente
le tiers livre comme si c’était soi
l’écriture comme émanation de soi
l’écriture de l’autre comme l’émanation de soi
émanation
qui s’échappe sous la forme de particules subtiles
***
françois bon reprend sur le tiers livre le texte intégral delimite qu’il est contraint de ré-écrire et qu’il publie à l’avancement chapitre après chapitre soir après soir
françois bon annote augmente développe corrige le texte initialement publié chez minuit
si l’outil est l’écriture le moyen est le mot
chaque mot en convoque un autre
chaque mot parle d’une histoire entière résumée en lui
chaque mot est en soi plus qu’un texte
le tiers livre tout entier
limite est le tiers livre avant le tiers livre
parler
parler de son temps au travers de soi
parler de soi comme parler des autres au travers du temps
limite serait la démultiplication de soi comme une exploration des autres au travers du temps
à la relecture de limite surgissent des mots qui extraits deviennent slogans ou aphorismes
que je note comme parties d’un tout dont le sens est précis et situé dans le texte
et universel une fois extrait
universel (qui s’étend à tout) pourrait ici se dire individuel (qui est lié au soi)
soi étant le même que l’autre
les objets les êtres qui nous entourent parlent mieux que nous de qui nous sommes
pourvu qu’on le dise pour eux
l’autobiographie des objets de françois bon
comme de soi
parenthèse
françois bon a utilisé en couverture d’une vingtaine de lettres-info publie.net mes photographies comme je les produis
hors contexte
limite est un texte sur lequel j’ai travaillé par interprétation libre des mots extraits
auxquels j’ai juxtaposé des photographies choisies dans ma propre bibliothèque
il n’est ni question d’illustrer ni de montrer ni de dire
il est question de re-dire
chaque mise en relation texte (extrait) / photographie engendre résonances infinies
s’oublier soi-même pour se re-découvrir
projection
je demande que l’affect soit le principe de sélection des photographies sur lesquelles on va choisir d’écrire écrit françois bon danstous les mots sont adultes au quatrième cercle : l’image, la parole, le temps
je pratique une chose identique mais à l’envers
c’est l’affect qui me fait choisir les mots que j’extrais de limite
l’image répond au manque d’image
des mots qui ne nous concernent pas
ou bien qui sont nous
l’image comme le miroir des mots
la photographie comme le miroir du texte
sa mémoire
sa vérité
présenter le miroir comme dire la vérité sur une chose
dire la vérité sur soi
chaque image choisie et adressée au texte pose un temps
une distance un mouvement
chaque image photographique ré-interroge (en moi) les circonstances de sa capture
de même pour la capture au texte de françois bon
prises partielles
ce qui se fige (en moi) qui (me) marque
ce que ça évoque
ce à quoi ça (me) fait penser
une prise de vue une séquence
d’un moment un extrait
ce qui s’entrechoque se croise
ne pas illustrer
ne pas dire
re-dire
dire autrement
des mots sélectionnés est extrait une matière nouvelle où le soi trouve place
de la photographie disparaissent sauf de ma mémoire le moment de la prise / le lieu / le contexte
la séquence photographique comme un mot une proposition capture d’un texte
c’est de l’autre soi
sur ces photos comme sur nos premiers portraits il n’y a rien d’écrit me guide françois bon
écriture
de la parole l’empreinte traces de nos vies
tout est à faire à dire
(on pourrait imaginer qu’il resterait à récrire ce que ces images contiennent et à insérer cette matière dans limite en lieu et place des captures cette matière photographique en lieu et place des mots capturés
un second texte naitrait comme en nous il s’écrit
un croisement
des textes en nombre infini
des croisements)
comme un arrêt provoqué du temps et du mouvement écrit encore françois bon dans le même quatrième cercle de tous les mots sont adultes en parlant de la photographie
ce qu’il y a hors cadre des photographies juxtaposées aux captures de limite
je suis seul à le savoir
ou presque
pour le texte
le contexte s’oublie les mots prenant caractère d’aphorisme et non de citation
alors y re-trouver la complexité de soi
toute entière
plus rien ici n’est réel
tout n’est plus que re-présentation
exposer devant les yeux
écriture
le nom des choses, dans un récit, n’est jamais seulement ce nom, mais un phénomène complexe d’appel à la représentation intérieure du lecteur écrit françois bon
projection (mise en ligne à venir)
projection de 93 diapos mêlant textes (extraits de limite) et clichés (personnels) accompagnée de la diffusion sonore de l’autresoi d’emmanuel roy et pierre armand
***
grands mercis à emmanuel roy / florence thérond / pierre-marie héron / françois bon
à arnaud maïsetti / stéphane bikialo / martin rass / sébastien rongier / gilles bonnet
françois bon à l’œuvre _montpellier _29/11/13
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
1ère mise en ligne et dernière modification le 1er décembre 2013.