gare de lyon #2


descendu du train j’ai hésité
je voulais revoir cette femme une fois ici croisée
elle devait venir était venue qui ne reviendrait plus
descendu du train j’ai hésité
attendre celui de montpellier dont un ami descendrait que je n’attendais pas vraiment
ou dans un siège me caler et attendre que remonte le temps
nouveau départ mouvement

j’ai traversé le parvis pris la rampe croisé la rue devant l’européen longé sa façade des gens attablés à parler à choisir ce qu’ils allaient manger j’ai filé dépassant un second café souvent fréquenté aux premières heures du jour formule complète avec dans de petits pots de porcelaine la confiture et le pain une baguette tranchée en deux sur le dessus sans dessous sans dessus juste deux morceaux également partagés j’ai continué sur ce trottoir traversé une rue passé une banque série de distributeurs alignés vert blafard monde à vendre et nous juste à acheter et au café du coin suivant suis entré
au comptoir j’ai pris un sandwich parisien en observant les serveurs le patron les clients les gars en cuisines j’ai écouté

et j’ai repensé à montpellier la ville distendue la ville étendue la ville cliché
ici le centre historique la pierre les boutiques de luxe les touristes à marcher
ici les boulevards la place de la comédie les alignements de platanes la terre au sol couleur de pierre les bistrots aux grandes terrasses chers
ici les faubourgs devenus quartiers un vieux cinéma diagonale qu’on devrait contre tout protéger
ici le centre commercial qui tue ce qui reste de vie en ville galeries marchandes à se perdre et boutiques changeantes selon les modes enseignes de saison
ici un quartier neuf usé de ce qu’il représente axe majeur inutile et pastiche de tant
ici renouveau urbain architectures contemporaines mettre du bleu maître de rien
et là la périphérie les logements sociaux à faire disparaître des barres et des tours honte de ceux qui chaque soir leur auto devant leur maison garent heureux
je n’ai pas aimé montpellier lui préfère marseille que le temps disponible ne suffit pas à cerner

au comptoir j’ai patienté repris un verre dehors on parlait fort la pluie s’était mise à tomber une femme insultait chaque passant comme si avant par lui agressée et sa voix de couvrir l’averse de couvrir de la rue les bruits routiers elle criait maintenant après le garçon son voisin la terre entière si elle était venue à passer
le patron debout derrière sa caisse lui répondait à distance qui devait avoir l’habitude la connaissait peut-être et qui l’oublia lorsque deux jeunes enfants vinrent lui demander des cigarettes un paquet s’il vous plaît

au téléphone j’ai parlé avec m. de sa fuite pourquoi ce départ dans la nuit ses raisons sa déraison sa folie il fallait rentrer maintenant affronter ne plus fuir qui ne voulait rien savoir je suis déjà loin me dit-elle je ne ferai pas demi-tour ne peux faire marche arrière elle me fait peur qui est folle ajoutait-elle et je tentais de la rassurer j’arrive bientôt dans deux heures je suis là je viendrais où que tu sois te chercher rappelle-moi

j’ai payé et suis sorti la pluie restait en suspens dans l’air il faisait chaud trop pour la saison j’ai remonté la place et donné à une famille assise à terre devant la gare le sandwich que je n’avais pas touché et une bouteille d’eau
y suis entré
une femme esseulée au milieu du hall dansait



retour haut de page

écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
Licence Creative Commons (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
1ère mise en ligne et dernière modification le 6 octobre 2013.