croisements _colloque sur le tiers livre de françois bon


on me demande de parler sur le tiers livre de françois bon peut-être me croit-on universitaire ou chercheur comme si j’en étais capable comme si je l’avais démontré ou l’avais donné à penser
on me demande de faire ce que jamais je n’ai fait

bien sûr il y a ce travail sur henri michaux que je montrerai un jour mis en pages numériques dessins compris mais c’était un jeu sorte de collage de montage pour intéressés
peine perdue ils n’y ont vu que feu qui dans le poème titré alphabet venais remplacer les noms communs par des textes entiers qui déjà les contenaient textes piochés dans l’œuvre complète d’henri michaux
sinon à quoi bon

je voudrais venir le jour dit les mains vides les yeux au ciel et poser sur le table un de mes carnets qui tient dans la poche où sur une seule page seraient écrites trois lettres comme une piste

j e u

accepter le jeu c’est obéir écrit françois bon dans limite sans en faire une vérité
je m’en sers m’en empare

on me parle de la ville et de sa complexité on me parle de françois bon et du tiers livre mais tant à dire et quoi
que vais-je y ajouter qu’en sais-je et qui me croira
qui à la fin m’écoutera

je peux rédiger mettre à plat me poser tenter
je peux taire
je peux aussi fuir comme ne pas jouer
ne pas obéir

***

(il pleuvait ce jour là)
aussi bien je pourrais ne dire que le lien que je fais entre le travail de françois bon et le mien ce que je prends m’accapare et retiens

voici françois bon introduisant les journées françois bon à l’œuvre et maintenant c’est à vous de parler
de son travail ses méthodes la construction de son site son œuvre
mais qu’est-ce que j’en sais qu’aux autres je peux dire

(le soleil revenu)
bon
on me demanderait une communication sur le corbusier que je ne saurais pas mieux faire et là dans la salle devant moi cent spécialistes comme mille du sujet
que faire
crier
peut-être juste une fois
cela suffirait

j’ai réfléchi
on me dit il a cité votre nom vos univers se croisent s’émancipent
émanation
moins simple la réponse se découvre

c’est de l’autre soi

visitant un après-midi d’octobre une exposition d’œuvres impressionnistes et picturales au musée d’art de rouen remonte comme au grand jour une vérité terrible sous la forme d’une autre question
à qui profite le crime

à regarder le nombre d’audio-guides en prêt et de livres en toutes langues disponibles à la vente dans la librairie du musée on comprend que l’art est un prétexte monet cézanne et renoir des otages et soi du commerce l’objet

à décortiquer oralement un petit tableau de paul cézanne pour mes fils au milieu d’une foule de passage je perçois l’écart que fabrique le bagage emmagasiné sur l’art la composition l’histoire et l’image alors qu’un petit groupe se forme autour de nous pour écouter ce que visiblement leurs oreillettes ne racontent pas et qui pousse l’un de ces auditeurs pirates tableau quitté de m’interpeler
vous enseignez à paris me dit-il
auquel fuyant je répondis que non
paris

je ne connais rien de particulier au travail de paul cézanne juste ses œuvres je les regarde comme les villes à force d’y marcher capable chaque fois d’y plonger
les regarde vraiment telles qu’elles sont

je repense à rodolphe burger parlant de jacques derrida un soir tard sur france culture il y a des années disant on apprenait à réfléchir à partir de rien ce qui devait nous donner la capacité à réfléchir sur tout
à lire françois bon on le croit

je n’ai jamais appris qu’à regarder

(il faisait gris de nouveau)
essaimant quelques indices ici ou là je reformule ma communication sur le tiers livre et son auteur

je parlerai de moi

***

interrogé sur ce qu’est une bonne photographie, bernard plossu répond une photo sur-réelle dotée d’une force mystérieuse et étrange, une photo qui vous dépasse. une photo qui est dans la non-description, le non-compréhensible, le non-explicable.

ce point de convergence entre ce que dit bernard plossu de la photographie et ce que le corbusier dit de l’architecture sert de fondement à « croisements »

liés à aucun contexte aucune situation aucun lieu précis
liés au fortuit
loin de la réalité
matière brute
les choses de peu
faire advenir l’autre
extrait / emprunt / empreinte
charme du quotidien
poésie de l’ordinaire
fait divers
fascination pour le rien le simple
la vie arrêtée
abstraction de tout

l’idée est justement que c’est toujours un autre univers qui nous ramène au nôtre
toujours l’univers d’un autre qui nous ramène à soi

au-delà des familles ramifications mots clés et chapitres le tiers livre est une étagère numérique où chaque chose écrite par françois bon prend place

l’écriture est la reproduction de la parole par les lettres (littré)
elle peut être idéographique
elle peut être phonétique
elle peut être syllabique
elle peut être alphabétique
elle peut être hiéroglyphique
elle peut être démotique

l’écriture comme émanation de soi
l’écriture de l’autre comme l’émanation de soi

françois bon reprend sur le tiers livre le texte intégral de limite qu’il est contraint de récrire et qu’il publie à l’avancement chapitre après chapitre
la complexité première du texte amendé lors de l’édition papier est corrigée le texte est repris et se révèle par la ré-écriture
françois bon annote augmente développe corrige le texte initialement publié

si l’outil est l’écriture le moyen est le mot
chaque mot en convoque un autre
chaque mot parle d’une histoire entière résumée en lui
chaque mot est en soi plus qu’un texte
un tiers livre tout entier

limite est le tiers livre avant le tiers livre
un écho à son temps
mais je ne le démontrerai pas
si vous ne l’avez déjà fait
lisez !

parler
parler de son temps au travers de soi
parler de soi comme parler des autres au travers du temps

limite serait la démultiplication de soi comme une exploration des autres au travers du temps

à la relecture de limite que françois bon fit re-paraître sur le tiers livre surgissent des formules devenant slogans ou aphorismes que je note comme parties d’un tout dont le sens est précis et situé dans le texte et universel une fois extraits

universel (qui s’étend à tout) pourrait ici se dire individuel (qui est lié au soi)

soi étant le même que l’autre

les objets les êtres qui nous entourent parlent mieux que nous de qui nous sommes
pourvu qu’on le dise pour eux
l’autobiographie des objets de françois bon comme de soi

(je propose)

françois bon a utilisé en couverture d’une vingtaine de lettres-info publie.net mes photographies comme je les produis
hors contexte

limite de françois bon est un texte sur lequel j’ai travaillé par interprétation libre des mots au travers de photographies choisies dans ma propre bibliothèque
il n’est ni question d’illustrer ni de montrer ni de dire
il est question comme l’écrit si souvent pascal quignard de re-dire
aucune invention
s’oublier soi-même pour mieux se découvrir
chaque mise en relation texte (extrait) / photographie engendre résonances infinies

***
(projection)

je demande que l’affect soit le principe de sélection des photographies sur lesquelles on va choisir d’écrire écrit françois bon dans tous les mots sont adultes au quatrième cercle : l’image, la parole, le temps

je pratique une chose identique mais à l’envers
c’est l’affect qui me fait choisir les mots que j’extrais de limite

l’image répond au manque d’image
des mots qui ne nous concernent pas
ou bien qui sont nous
l’image comme le miroir des mots
la photographie comme le miroir du texte
sa mémoire
sa vérité
présenter le miroir comme dire la vérité sur une chose

chaque image choisie élargit le champ originel du texte et de sa partie choisie
chaque image ré-interroge (en moi) les circonstances de sa capture
de même pour la capture au texte de françois bon de mots
prises partielles
ce qui se fige (en moi) qui (me) marque
ce que ça évoque ce à quoi ça (me) fait penser
une prise de vue une séquence
d’un moment un extrait
et ça s’entrechoque se croise
ne pas illustrer
ne pas dire
re-dire
dire autrement

des mots sélectionnés est extrait une matière nouvelle où le soi trouve place

de la photographie émane le moment de la prise le lieu le contexte invisibles tout autant
la séquence photographique comme un mot une proposition captures d’un texte

c’est de l’autre soi

sur ces photos comme sur nos premiers portraits il n’y a rien d’écrit me guide françois bon
écriture
de la parole l’empreinte traces de nos vies
tout est à faire à dire

on pourrait imaginer qu’il resterait à re-écrire ce que ces images contiennent et à insérer cette matière dans limite en lieu et place des captures
un second texte naitrait comme en nous il s’écrit
un croisement
des textes en nombre infini
des croisements

comme un arrêt provoqué du temps et du mouvement écrit encore françois bon dans le même quatrième cercle de tous les mots sont adultes

ce qu’il y a hors cadre de mes photographies juxtaposées aux captures de limite je suis seul à le savoir
pour le texte le contexte s’oublie les mots prenant caractère d’aphorisme et non de citation
alors y re-trouver la complexité de soi
toute entière

plus rien ici n’est réel
tout n’est plus que re-présentation
exposer devant les yeux
écriture

le nom des choses, dans un récit, n’est jamais seulement ce nom, mais un phénomène complexe d’appel à la représentation intérieure du lecteur écrit françois bon



retour haut de page

écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
Licence Creative Commons (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
1ère mise en ligne et dernière modification le 7 septembre 2013.