disait-elle


je n’ai pas cherché ce qui m’arrive disait-elle assise à même le sol de grès devant la fenêtre que le port tout entier et ses digues emplissaient ce port du bout du monde béance de la terre échancrée et de rajouter lui non plus alors comment lui en vouloir comment lui en vouloir et là de s’effondrer mains sur le visage aurait voulu et préféré s’y enfoncer que les mains se fondent que la tête se mue disparaître honte n’en pouvant plus
l’appartement était vide plus un meuble plus un souffle aux murs on avait enlevé tout ce qui un jour y avait été accroché et d’en voir encore les traces comme si c’était autour que tout avait changé alors elle restait assise là qui ne pourrait se relever jambes engourdies se repliant sur elle-même tentant de se fondre dans ce lieu qui avait vu tant de cris tant de larmes déjà silence l’accompagnant maintenant dans un isolement impossible à quitter
les pièces pouvaient encore malgré le vide qui les emplissait parler clairement de leurs usages passés les tapisseries les traces au sol les plafonniers et de la revoir dans la salle réveillon d’un soir elle heureuse un verre à la main appuyée contre la vitre le regard au loin qui le voyait l’imaginait revenant enfin et comme dansant autour d’elle la mer cadrée les meubles de merisier les guirlandes allumées scintillant comme des larmes retenues brûlent les yeux avant de soulager
elle avait fini par mettre les mains à terre comme pour se stabiliser retenant son corps de tomber soutenant le monde sur lequel elle était posée elle avait fini par se calmer le visage creusé eau salée ravins profonds avait perdu pied et avait senti sa tête tourner elle immobile et tout autour de bouger mouvement circulaire et lent puissance intérieure avant de sombrer
dehors le ciel avait changé du bleu au gris irrégulier des nuages lourds et épais était passé on aurait dit un orage qui montait et dedans son corps tombé au sol comme défait membres épars tête à l’envers les yeux ouverts le plafond elle aurait vu qui dormait derrière ses paupières monde disparu rêvant d’éternité elle était nue que rien ne semblait pouvoir réveiller ni le bruit montant des moteurs ni ceux du fer sur l’enrobé
l’immeuble une première fois a tremblé un coup sourd avait précédé boulet lancé pendule jeté et de revoir l’horloge du salon qui sonnait les heures au long des journées de se mélanger songes et réalité mais rien n’y faisait elle dormait trop loin pour la rattraper et il y eut un second coup et ça a commencé à s’effondrer le béton redevenant pierres les aciers squelettes puis un troisième et en puissance c’est monté
avec méthode on détruisait de son corps la dernière enveloppe
elle dormait



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 juin 2013.