arrêts (récit de voyage #11)


on avait parlé du métro comme si simplement en pénétrant le sol notre train en était devenu un qui filait maintenant dans l’obscurité des tunnels creusés sous la ville la ville elle-même la ville plus encore que celle de surface une ville contemporaine sans l’histoire juste celle des noms stations arrêts ponctuant le parcours faisant lien avec des guerres des rois des rues des gloires du dessus de la terre on avait autour de nous fait le noir
on avait cette impression de soustraction à la ville tant d’années à avoir appris celle mathématique alors qu’en tous lieux aujourd’hui elle existe qui n’est plus un concept juste un effacement une disparition la ville suspendue au-dessus de nos têtes telle une épée une lame un couperet la ville tendue et immense toile trame grille nappe que rien ne saura plus limiter ville touristique ville cartes postales ville figée pour la mémoire commerciale des comptes rentiers
on avait allumé la rame mis le jour dans la nuit ouvert des brèches baissé les armes et la ville du dessus de disparaître plus un bruit on avait repensé à l’avion descente entamé voix étouffées refermé sur soi-même le monde en dedans du bruit juste le blanc silence abstrait et là la ville de jouer le jeu roulements rythmes sonneries portes paroles noyées au fond sous terre la ville aux murs résumée
on avait les yeux rivés sur l’écran indiquant les stations s’y reprenant à deux pour vérifier qu’on n’avait pas manqué l’arrêt le regard comme replié sur ce monde intérieur tentant de deviner sans le vouloir vraiment qui nous faisaient face qui étaient ces gens compagnons de voyage d’un instant leur imaginant mille vies et où ils allaient d’où ils venaient quelle serait leur voie maintenant que le métro s’arrêtait

barcelone_février 2013



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 février 2013.