le parloir


on était entrés là juste pour se mêler aux familles aux femmes seules aux frères aux parents de ceux qu’on ne pouvait voir qui au même instant marchaient dans la cour de l’autre côté de la rue et du mur sous les filets et les yeux fixés des gardiens entourés on s’était assis dos à la fenêtre pour sans avoir l’air d’observer d’un seul regard balayer la salle et le bar et avait parlé pour couvrir le silence qui s’était fait chacun nous fixant figés qu’ils étaient tous dans un mouvement un mot verre ou cigarette à la main qui finirait par la brûler si rien ne reprenait pose et pause on commandait un demi et le bruit de reprendre

le samedi on venait ici à deux pas du parloir rue suffren face au terrain vague où jamais on ne jouait dans la maison aux écuries la gs longeait la rue et les bars et les filles vêtues court qui s’y adossaient le visage maquillé le corps lourd elles nous regardaient passer on se garait descendait détournait la tête avant de pousser le portail et de traverser la cour à cloche-pied sur les pavés de granit pour rejoindre la cuisine où il était assis qui regardait un match à la télévision qui ne détournait pas la tête lors de notre entrée et elle contente de nous voir qui ne savait que dire que faire d’autre que se taire et se figer

on détruit sans cesse rase fait place pour construire plus cher plus grand moins bien faut dire si vite à peine le temps d’éprouver le vide d’y retrouver sens de reprendre pied qu’on a dressé des murs coulé des planchers posé des fenêtres tiré des rideaux mais parfois le temps passe et rien ne vient juste la béance la plaie qui ne cicatrise la saignée qui suinte le mépris comme ici la prison détruite effacée que ceinturaient des murs des bars des prostituées et dont il ne reste que le parloir ce café qui faisait face à la porte de l’isoloir que la société ne veut plus jamais voir



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 février 2017.