caddy


les gens dans la rue c’est accrochés à des caddy qu’ils sont maintenant les trimballant comme on faisait avant avec les enfants en culottes courtes casquette sur la tête faudrait pas attraper une insolation mais temps révolu temps perdu la casquette c’est eux aujourd’hui qui la portent sur le front rapport au soleil toujours à taper fort et à l’alcool ingurgité sans cesse faut tenir se retenir alors on boit et la tête bout et la tête explose et en soi un peu on cherche l’ombre
des dizaines de types et de femmes ainsi croisés alors que je me perdais au sud de la ville sans plan sans idée sans savoir ni où aller ni où j’allais et de les voir arrêtés devant des alignements de poubelles comme d’autres forment des files d’attente aux supermarchés les voir soulevant des grands conteneurs les couvercles et aidés d’un pic d’un bâton ou de n’importe quoi qui peut faire crochet fouiller les déchets
le tri sélectif et cette nouvelle habitude qu’ont les villes de placer aux bords des rues de vastes poubelles simplifiant le travail de ceux qui les vident a changé les règles de ceux qui les fouillent trouvant dans celles au couvercle vert ce qui est recyclable ou dans d’autres au capot orange ce qui est en tissus vêtements et chaussures et il y a le verre et il y a les déchets ménagers alors on fouille sonde l’amas comme le fond faisant remonté en surface ce qu’on trie à notre tour et dont on sélectionne ce qui pourra soit servir soit être vendu enfin on l’espère
les caddy se chargent de vêtements de jouets de pièces de métal de chaises brisées de vieux écrans d’ordinateurs on les range les cale dans la maille de fer prenant garde ne pas plus abîmer les choses récupérées et on repart laissant la place à un autre qui attendait qu’on en finisse pour à son tour trier
dans une rue étroite descendante vers la mer un homme assis à terre a étalé sur une sorte de drap blanc quelques objets pour les vendre tenter il y a une casserole à l’émail fatigué des culottes noires des assiettes et couverts et un peu d’électronique qu’on imagine plus que dépassé
je ne sais qui va acheté et combien d’argent sera échangé contre ces objets
on imagine la misère des journées à fouiller d’autres plus riches que soi le rebut on imagine la honte d’abord qui disparaît vite pour survivre on imagine l’indifférence des passants comme des gens de passage qui paient si cher pour se fabriquer une histoire et quelques souvenirs à raconter
enfant ma grand-mère me parlait des clochards en disant il ne faut jamais leur donner d’argent ils vont tout boire si tu savais mado toutes les raisons qu’ils ont pour se soûler juste pour se maintenir résister l’énergie qu’il faut pour au pire pouvoir s’adapter
ce matin encore un homme avec un caddy rempli avec un matelas roulé et une valise attachés sous la poignée je le suis un moment voulant comprendre mieux quand arrive face à nous une femme en poussant un aussi ils se regardent se saluent jaugeant de l’autre la prise je les dépasse et sans cadrer les fige sur mon écran comme dans ma mémoire
c’est peut-être ça le pire de tout on s’adapte toujours on s’adapte à l’horreur aux crimes à la mort on s’adapte à l’oubli à la faim à son corps on s’adapte à tout on survit
j’ai continué de marcher dans la ville me rapprochant du centre noir de monde chemins tracés impossible de s’écarter
non loin les caddy encore à bout de bras
non loin d’ici comme ailleurs la vraie couleur de la lumière un gris terne et uniforme

(barcelone ailleurs http://xn--peineperdue-66a.fr/spip.php?mot19)

barcelone_juillet 2013



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 31 juillet 2013.