sac et ressac


certains s’étirent en se levant comme si pour reprendre vie ils devaient se déplier complètement les bras au ciel les jambes en appui les épaules écartées ils se déploient bombent le torse gonflent tout le vide de leur cage thoracique de l’air réfrigéré et blanc contenu ici
réveillés ils se remettent en mouvement faisant du surplace comme des pas de danse contraints sur une scène trop petite espace virtuel réduit et sitôt le sang en eux reparti à l’assaut des vaisseaux les plus éloignés du cœur ils se rassoient lourdement la main sur un sac posé à terre la tête sur une épaule voisine qu’ils ne connaissent parfois pas
quelques enfants jouent au ballon comme si le lieu était un terrain de jeu certains même faisant de la trottinette de celles en plastique et colorées qui s’achètent dans les supermarchés tournant et tournant sans cesse autour des escaliers des trémies ou de rares passagers avançant lentement vers leurs portes d’embarquement
certains lisent se raclant la gorge profondément des journaux offerts sur de petits présentoirs de métal blanc qu’une femme en blouse et gantée réapprovisionne dès que les piles ont baissé ils lisent rapidement des articles sans intérêt qui confirment simplement ce que déjà ils savaient ce dont ils étaient sûrs ce dont jamais ils ne douteraient
presque deux heures que je suis arrivé là et personne ne m’a rejoint et personne d’ailleurs ne semble venir là où seuls sont présents les dormeurs et les enfants en transit ou bien sont-ils simplement et également en avance à attendre des hauts parleurs un appel message d’embarquement
il passe sur des écrans verticaux trois ou quatre publicités en boucle toujours les mêmes ressassant sans cesse la valeur universelle de l’argent et la loi de l’achat roi semblant dire et annoncer ici ou là où que vous vous rendiez n’oubliez pas consommez

un passager puis deux puis des familles bientôt une foule distendue arrivera reconstituant en s’arrêtant de petits groupes en partance pour les mêmes destinations voyages organisés ce que je fais aussi bien qu’assis à l’écart déplacement de deux jours pour visiter avec d’autres architectes des bâtiments fraîchement livrés et assister à quelques épreuves des championnats du monde de natation qui déteste le sport et n’en pratique jamais aucun considérant que marcher dans les villes et les raconter est un travail bien suffisant pour le corps et l’esprit et de les voir maintenant arriver à la porte f48 s’assoir se serrer la main qui se connaisse tous et se parler échevelés contents de changer d’air alors rester ici ne pas y aller garder cette distance qui nous a toujours séparés

je n’ai pas vu le jour se lever sous la grande toiture de verre lumière diffuse et filtrée maille de métal comme une peau soulevée simple feuille résille immaculée

le hall finalement s’est rempli la foule rythmant ses apparitions comme une mer poussée à rejoindre la grève ressac arrêté sur un horizon de terre chaque vague venant se perdre dans le sable se noyer plutôt que de reprendre la mer et le bruit d’accompagner et la chaleur avec et la coque vide de se remplir de se gonfler qui va craquer
au moment d’embarquer avec retard dans l’avion suite à des orages plus que de saison la chaleur intérieure de la halle aura fini de réveiller les dormeurs
c’est les départs d’été

(barcelone ailleurs http://xn--peineperdue-66a.fr/spip.php?mot19)

27/07/13 roissy _ l’aéroport de nuit



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 juillet 2013.