les enfants


les enfants sont dans les rues près de leur père fouillant poubelles et cartons pour y trouver quelques richesses délaissées vieux restes objets abandonnés morceaux de joie rêves à ranimer et les enfants sont dans les rues près de leur mère tendant le bras gobelet de carton dans la main tenu à quémander quelques pièces pour survivre encore un jour
les enfants n’ont ni avenir ni rêve ni ami ni lieu mais derrière les façades au pied desquelles ils s’assoient ils imaginent les chambres les cuisines les salons et la vie qui s’y passe pour d’autres qu’eux les enfants se perdent dans ces lieux et l’on passe devant eux sans les voir ni ces femmes assises sur des cartons des cageots dont on perçoit à peine les yeux
les enfants sourient dans leurs habits couleurs mais ce n’est pas de voir le va-et-vient incessant des gens gris devant eux les enfants sourient peut-être possible en pensant que la ville est à eux le mur de façade le trottoir la chaussée la place et le jardin tout un espace déployé qu’ils balaient d’un geste de main sans autre idée qu’un instant le monde est à eux
mon père n’a jamais fouillé une poubelle ni ma mère ne s’est assise sur un seuil demandant s’il vous plaît quelque chose pour manger ils travaillaient chaque jour pour payer la maison les tapis persans la télévision les fauteuils louis XVI chaque jour ils œuvraient vers plus de soumission emprunt crédit fidélité abonnement étaient leurs maux
les règles changent peu les joueurs parfois mais qui toujours perdent plus qu’ils ne misent et ne peuvent gagner
les enfants sont sacrifiés pour que perdurent quelques privilèges et mensonges
les enfants sont sacrifiés pour nos démons



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 mars 2016.