verre et acier_mauvaise nouvelle


alors que l’on détruit actuellement les lods (ensemble de logements sociaux construits par marcel lods architecte dans les années 60/70) la ville de rouen continue de laisser émerger partout sur son territoire une médiocrité architecturale sans pareil faite de briquettes en parement de toits mansardés de volumes de verre fumé qui ne savent que refléter leurs propres faiblesses
est-ce la faute à l’inculture des gens au pouvoir ou celle de l’architecte des bâtiments de france
est-ce la faute au classement du centre-ville comme zone à préserver que l’on dénature et défigure involontairement
est-ce la faute aux architectes qui signent les dessins à construire
la médiocrité en architecture en littérature comme au cinéma et en musique triomphera toujours car au lieu d’enrichir la connaissance de chacun et son jugement critique on formate un peu plus chaque jour les esprits dans le but unique de plaire pourvu que cela paie
détruire les lods c’est détruire une œuvre représentative du bien pour tous et reflet de l’époque qui l’a vue naître
détruire les lods c’est détruire l’idée-même que l’ascension sociale est possible et promouvoir le tout-privé le tout-fric
détruire les lods c’est détruire les racines de centaines de familles qui y ont vécu et leurs histoires à raconter
détruire les lods c’est raser un village au profit d’un promoteur unique et ériger un ghetto de petits propriétaires qui loueront quelques mètres carrés mal construits et mal orientés pour défiscaliser leurs revenus et dividendes
détruire les lods c’est à pleurer quand on pense qu’aujourd’hui vivre sur un matelas dans la rue est devenu courant

août_2014

(reprise ci-dessous d’un article du 17 décembre 2012)
plus de photos en allant sur le lien ci-dessus)

c’est à deux pas de la prison celle qui s’appelle ici bonne nouvelle le mur d’enceinte sud dans le dos la caserne des pompiers presque neuve à gauche qui a gardé du lieu le sombre de la brique et la matière des rêves et droit devant des maisons de contremaîtres et d’ouvriers vestiges d’une activité industrielle puissante et omniprésente sur cette rive de la seine que la seconde guerre mondiale a effacé d’un trait de bombes bien placées
c’est à deux pas là devant soi une opération de plusieurs centaines de logements sociaux construits pour l’office hlm de la ville par l’architecte marcel lods selon un brevet de construction métallique GEAI mis au point par lui et qui fut à l’origine en cette même ville de plusieurs opérations d’envergure
aux maisons briques et silex les immeubles verre et acier semblent répondre avec leurs ceintures horizontales augmentées de poteaux métalliques et au 9 ème étage les jours de vent de sentir la structure se courber ondulations lentes qui écartaient de la cloison bois de la cuisine la table de formica sans que les pieds ne bougent pourtant et de l’entendre se dilater par temps chaud craquements musculaires l’acier de se tendre on l’aurait dit vivant et leurs fenêtres verticales ouvrant sur un monde en mouvement et cette couleur or parsemée volets coulissants qui durant des années ont brillé reflets comme encore il y a peu quand le soleil frappait aux carreaux et que d’une main on faisait glisser devant volets de tôle pour se protéger et apporter à l’intérieur le frais et l’ombre
le plan d’ensemble est articulé volumes juxtaposés plots indépendants et contigus halls séparés dont les boîtiers d’interphone ultra-moderne et encore alimentés en électricité révèlent le nombre d’appartements groupés 96 dans le plus grand et d’y faire défiler comme par surprise d’une simple pression de l’index le répertoire des résidents immeuble entier ordre alphabétique les étages les noms et numéros d’appartements encore présents et de se voir au premier puis au huit puis de redescendre puis ainsi de suite comme une résonance un écho sans épuisement dans le vide des logements vacants
tous les noms en revue et des prénoms les initiales ceux des contractants au bail et non des enfants et imaginer le jour où on a vidé les derniers appartements la cage d’escalier le silence tous déjà partis et de suivre mais pour aller où où ont-ils été mis rejetés envoyés ceux qui ici avaient leur vie ils étaient un millier
aux incendies successifs conséquences de négligences et de vétusté tout autant que de la construction même des verre et acier l’office hlm répond par la destruction massive de ces témoins du progrès social et de cette théorie humaniste soleil_espace_verdure pour tout le monde
dommage que ce ne soit pas une cathédrale une chapelle ou une maison à pans de bois on aurait fait des efforts pour garder debout l’histoire de ces vies là
à deux pas la prison on a tiré les volets fermés les portes vidé les lieux
expulsé
qu’est-ce qu’on fera de mieux ?



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 août 2014.