tu vois je n’ai rien jeté dit-elle prenant dans l’étagère de la pièce un objet qu’elle tenait maintenant d’une main en son creux sa paume plat arrondi doux et gris un savon un galet une pierre de bois que le temps a usé poli préservé une courbe qu’on caresse du regard une coque de la voûte le vide un toit abri viens près de moi assieds-toi
posé sur la table de bois l’objet m’évoque les vagues le ressac la plage découverte une étendue de galets comme le vent qui frappe un voyage en bretagne voiture louée au départ de paris pour une visite éclair une exposition temporaire un retour au havre qui se faisait de plus en rare tant le temps efface ce qui nous forçait à parler peut-être marseille un instant descente en train corail avant que n’apparaisse la grande vitesse arrêts successifs voyage infini avec une halte à arles marseille et le sud de la ville maisons sur la plage que le sable grossier envahit je fouille ma mémoire m’y perds recentre sur les années où on s’était croisés où ce bois flotté aurait pu nous réunir il y avait eu notre rencontre notre amitié son départ pour l’est de l’europe mon propre voyage vers elle et le retour effondrement il y avait eu cette chute ces textes écrits pour dire ce qui rongeait et ce silence infini ce repli je ne vois pas dis-je presque gêné d’avoir oublié l’un de nos rares souvenirs comme gravé dans la pierre
tu me l’as donné
bien sûr je pouvais m’inventer mille liens mille accroches à lui mais rien ne revint de suffisamment précis qui le situerait dans ma mémoire un temps un moment un lieu je cherchais désespérément et dis non je ne m’en souviens pas le prenant en main léger matière creuse asséché automnale vraiment je ne vois pas
l’objet beau argenté rayé de fins reliefs sillons se plaçait parfaitement sous la main sorte de complément du corps qui durant ces années passées avait accompagné ses pensées son souvenir perpétuant les lieux et situations où je l’avais ramassé explication infinie situation périlleuse la tempête la nuit tombée le sel aux lèvres où je le lui avais donné et à quelle occasion précisément remis
vraiment non je ne me souvenais de rien