ville murée


je rêve d’une ville fenêtres fermées
toutes béances rebouchées
de la maçonnerie à la place du verre
baies cicatrisées

aux carrières centrales casablanca se trouvaient trois blocs de béton
creusés de lumière
l’un était une tour basse et large occidentalisée
un autre une barre fine et rugueuse on la disait poreuse résille nid d’abeilles rappeuse
le dernier fait d’épaisseurs étirées collier de blocs liés
des loggias avaient été faites qui depuis des années ont été refermées
à l’extérieur on a préféré le foyer
à l’horizon on a laissé la mer et acheté une télé

n’est-ce pas ainsi que nous vivons
brèches ouvertes bouches béantes
tentant sans cesse de les refermer

aux carrières centrales casablanca on se dit que rien n’a marché
tout de travers l’architecture la lumière le creux l’ombre lissés
mais
c’est la matière des pleins qui nous prend criante d’individualité
c’est la crainte qui nous émeut

ville muraille paupières refermées
ville de pierres peaux cicatrisées
la ville comme un mur tentant de s’y réfugier
murs habités

aux carrières centrales casablanca l’homme du béton a fait son corps
loin de déserter il a occupé le lieu s’y est installé
on le trouve niché glissé dans les alcôves
abrité

aux carrières centrales casablanca

la ville s’est refermée

(les carrières centrales casablanca _georges candilis & shadrach woods architectes 1952)



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 juin 2013.