un arbre dans la ville


il y a dans saumur que les panneaux de signalétiques urbaines désignent comme le vieux quartier les halles reconstruites sur la mémoire commune et ruinée des anciennes semblant déjà dépassées désuètes fatiguées sorte de centre commercial aux étals épars
les halles se résument à ce qu’on y vend oubliant le lieu et l’espace ce que le mot même contenait de signifiant place publique où à couvert le marché se tient

les nouvelles halles sont devenues boutiques à demeure sorte de galerie marchande au rabais et au-dessus sur le toit une urbanité collage de formes de verre miroir de la ville ceinture se faisant le reflet de ce que le bâtiment lui-même ne peut pas être ne peut plus donner honnêteté de dire oublier ce qu’ici avant il y avait puisque disparu mais regarder autour la ville ses maisons sa pierre et son ciel descendant dans les rues rejoignant la terre
moi je me retire semblent-elles dire

la construction est fragile la pierre grise l’enduit se décolle par plaques on sent la fatigue comme cette femme un peu plus loin appuyée au balcon de l’étage d’une vieille maison dont le rez-de-chaussée abrite une maroquinerie immense qui tombent dans l’oubli

la ville se consume se fait cendres quelques fleurs en sortent qui fanent vite il aurait fallu planter des arbres boiser la plaine

les halles nouvelles font alignement sur les rues voisines et donnent place en hauteur répondant étrangement à une place plantée et ponctuée d’une église élancée on dirait de la seconde un contre point produisant équilibre que personne n’a su habiter que personne ne regarde aujourd’hui où tout doit être montré

un grand emmarchement monte à cette dalle haute place soulevée de la ville un creux comme pour mieux la révéler se mettre à l’écart et découvrir dans sa suite de miroirs morcelée plus que là où on est

je monte m’adosse m’installe l’espace de la place est vide déserté des bruits intérieurs aux bâtiments et des voix me parviennent alors que fixé sur un axe point de centralité je pivote sur place panoramique rétinien me faisant appréhender tout l’espace de cette cour haute ce nid comme la paume de la main

un chariot de ménage obstrue l’entrée d’un hall quelques vitres à projection sont ouvertes il fait chaud presque trente degrés en ces derniers jours de septembre et la place d’annoncer ce qui autour se passe un écho

en contre bas le souffle de la ville les voix des gens aux terrasses des cafés quelques voitures manœuvrant pour se garer

au-dessus des toits-terrasses des blocs placés en périphérie de là ou je suis les autres toits de la ville ancienne comme on dit ici ceux d’ardoises montant haut celui du clocher de l’église proche les pignons de calcaire comme autant de flèches désignant le ciel je reste seul

une femme viendra qui enlèvera le chariot de ménage du hall pour le déplacer vers un autre le temps de le nettoyer faire l’escalier les vitres passer un coup sur les boîtes aux lettres taper le paillasson avant de repartir seule aussi

un homme viendra plus tard qui les jours sont comptés dira il faut tout détruire c’est affreux une verrue dans la ville une erreur même osera-t-il qui sera suivi

on finira par détruire

de la ville le miroir

du plein le creux

l’urbanité

(pour albane gellé et patrick cahuzac)



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écrit ou proposé par : Emmanuel Delabranche
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 septembre 2013.